Des choix commerciaux afin de convaincre un plus grand nombre
En raison de la multiplication des journaux télévisés une concurrence entre les chaînes est née car tous souhaitent avoir le plus grand nombre de téléspectateurs. Face à cette compétitivité, les programmes tentent de se démarquer en ajustant le choix des informations et l’ordre des sujets proposés. Il apparaît alors une logique commerciale contraire à la logique d’information qui devrait pourtant primer.
Depuis la privatisation de TF1, la concurrence s'est accentuée entre TF1 et France 2. Une course à l'audimat s'est instaurée et les deux chaines ont la volonté de dépasser le concurrent (Voir la première vidéo dans B- Evolution du progamme). Mais depuis toujours, le journal de TF1 garde une avance sur le JT de France 2 comme le montre ce graphique :
Pour compenser cet écart d'audience, France 2 a choisi de mette l’accent sur les questions économiques dans son JT de 20h qui seront accompagnées visuellement par des graphiques commentés par le journaliste économique François Lenglet. Cela permettra de convaincre un public plus intellectuel, qui s'intéresse à l'économie. Depuis 2008, la chaîne cherche à proposer des programmes plus culturels et intellectuels afin d'attirer des téléspectateurs plus diplômés et plus "intellectuels".
La chaîne TF1 cherche elle-aussi à se renover notamment dans sa forme : rupture du traditionnel, changement de posture... (B- Etude de cas ). Autrefois, le journal de TF1 était le plus puissant de France et même d'Europe. Mais les audiences ont beaucoup chuté (Graphique en tête de partie) notamment à cause de la montée de chaînes de TNT, du nouveau journal de M6 court et ludique ainsi que de la série Plus belle la vie.
Le choix du programme qui précède le journal télévisé est aussi très important. La chaîne France 2 a d'ailleurs décidé de déprogrammer l'emission "Jusqu'ici tout va bien" qui nuisait aux audiences du 20h. En proposant une emission qui plait plus, ils espèrent gagner en part de marché et inciter un public plus vaste à ne pas changer de chaîne.
Pourtant, il est difficile de plaire à tous car les téléspectateurs sont très différents entre les deux chaînes :
Comme vous pouvez le constater, le journal de TF1 convainc fortement un public d'employés ou d'ouvriers. De plus, leur appartenance politique est très différente également.
Ces appartenances politiques influent notamment sur les votes comme par exemple pour le referendum de 2005 où les téléspectateurs de France 2 étaient majoritairement pour, à l'inverse de TF1. Il en est de même concernant la peine de mort. Ces différences entre les téléspectateurs se ressentent dans la construction des reportages ainsi que dans le choix des sujets.
La différence de reportages entre les chaînes montre que les journalistes font des choix dans un but particulier : ils veulent proposer des sujets qui intéressent leurs téléspectateurs afin de les fidéliser. Les deux tableaux suivants nous présentent les préoccupations principales des téléspecteurs des deux plus grandes chaînes.
Le sentiment d'insécurité que ressentent les téléspectateurs de TF1 se retrouve dans la hiérarchie du journal. En effet, le journal télévisé diffuse de plus en plus de faits divers ainsi que des témoignages. Selon une étude du journal le Monde, en dix ans, le nombre de faits divers dans le JT a augmenté de 73%. Vous pouvez d'ailleurs le constater par ce graphique :
Le sociologue Bourdieu avait coutume de dire : "Les faits divers font diversion"
Nous avons d'ailleurs vu dans B- Etude de cas que le journal de TF1 a évoqué le témoignage d'une victime d'un braquage. La victime pleure et montre ses blessures. En revanche, France 2 ne l'avait pas évoqué car les téléspectateurs ressentent moins ce sentiment d'insécurité.
En outre, le témoignage est excellent moyen susciter l’émotion du public qui est davantage sensible par le sentiment de réalité.
Parfois, le témoignage permet aussi d'illustrer un propos. Par exemple, le 23 juin 2011, le JT de TF1 a diffusé un sujet sur le contrat de responsabilité parentale. Dans le reportage, on voit une mère qui "exprime sa détresse face à l'absentéisme de son enfant et son soulagement de voir son désarroi pris en charge par ce dispositif". Sauf que, cette femme n'a pas d'enfant et qu'elle est attachée de presse du Président du Conseil Général. Même si cela ne reste qu'un cas exceptionnel, il est néanmoins possible de se questionner sur la crédibilité des témoignages. Cette exception nous montre que le témoignage peut emplifier un situation et qu'il est assez simple de mentir.
De plus, les témoignages, les faits-divers et cartains reportages sont arrangés de manière à dramatiser la situation. Les mots employés sont très forts et plongent le téléspectateur dans la peur. Le présentateur utlise régulièrement un vocabulaire morbide : "apocalyptique", "épouvantable", "effroyable". La peur est omniprésente dans le journal : le générique prépare le téléspectateur au pire, le ton du présentateur est aussi très sérieux.
Cette dramatisation atteint son paroxysme le 20 décembre 2012 lorsque le JT de France 2 présente un scenario de fiction noir sur fond d'effondrement économique en 2013. Ce reportage qui est très réaliste alimente la peur de l'avenir. De plus, ce scénario n'est-il pas hors sujet ? En effet, quelle est la place de la fiction dans un journal censé nous informer ? C'est d'ailleurs ce que de nombreux internautes ont critiqué.
Vous pouvez visionner ce reportage ici :
La peur est un bon moyen d'attirer l'attention du téléspectateur. Ces types de reportages sont critiqués car pour certains ils n'ont pas une valeur informative.
En effet, le journal télévisé se doit de diffuser de véritables informations avec des données plausibles c’est pourquoi son élaboration est faite par des reporters qui amassent une quantité d’informations par l’intervention d’envoyés spéciaux.
Cependant, on constate que les chaînes ont de moins en moins de temps pour vérifier leurs sources notamment à cause de l'avancée massive d'internet. En effet, ce phénomène, en plus d’être pratique donne accès à de nombreux renseignements facilement et rapidement. La télévision a donc un autre concurrent et a un nouvel enjeu: celui d'informer un public déjà informé par Internet (Voir A- Les coulisses du 20h). Par exemple, le faut témoignage que nous avons évoqué avant, permet de nous interroger sur la vérification des sources.Tout comme dans la vidéo suivante qu est un reportage diffusé par TF1 en 2013. La chaîne évoque la météorite de l'Oural et pour construire son reportage, la chaîne a amassé des vidéos amateurs. Seulement l'une d'entre elles ne correspond pas à la météorite de l'Oural puisque la vidéo a été tournée en 2011 au Mexique.
Désinformation au JT de TF1 : Météorite de l’Oural par Spi0n
Alors, pour que le programme sucite l'intéret de nombreux téléspectateurs, il doit paraître crédible afin que le public ait une totale confiance en ce qui lui est dit.
Pour cela, le journal télévisé est construit avec des reportages donnant "l’illusion de réalité". Le téléspectateur est tellement plongé dans ce sentiment de réalité qu'il en oublie que les reportages sont construits par les journalistes eux-mêmes. Ainsi, ce que nous voyons à l’écran n’est pas la réalité mais un discours adapté pour la télévision puisque les journalistes dévoilent ce qu’ils veulent de l’information. Nous pouvons donc parler de manipulation. Dans la réalisation d'un reportage, tout est une question de point de vue. C'est la chaîne qui choisit ce qui va constituer son reportage. Et pourtant, seul un détail de l'ensemble est parfois diffusé. Par exemple, en 2005, lors des affrontements à Clichy sous Bois, le maire est très surpris des images diffusées au journal : Toute la ville est calme à l'exception des deux rues. Ce sont ces deux rues dont on parlera sans évoquer le reste. A partir d'une simple exception, le JT en fait une règle.
Le présentateur participe aussi à l’effet de crédibilité. C’est pourquoi il a recourt à une intonation jugée sérieuse et distante pour paraître le plus objectif possible. Il a une importance capitale : c'est le visage de l'information, le chef d'orchestre du journal. Le rituel du journal fait qu'il est presque chez nous, il est donc important qu'il plaise. Là encore, les chaînes font des choix différents. En effet, alors que France 2 cherche à donner un image assez jeune aux bulletins d'informations en renouvelant souvent leurs présentateurs, TF1 préfère choisir des présentateurs "vedettes". Ainsi le même visage est présent depuis des années. Un correspondant de TF1 à Rome déclare que : "Pour accroître la fidélité, on change le moins possible les têtes qui représentent la chaîne". Par exemple, Claire Chazal présente le JT de TF1 depuis 1991. France 2 a seulement gardé comme animateur-vedette David Pujadas. Encore une fois, le choix est commercial comme le prouve les propos de la directrice de l'inforrmation de France 2 : "On a fait des études qualitatives auprès des téléspectateurs, et Pujadas conserve une bonne image". On comprend donc que le choix du présentateur ne dépend pas que de son CV mais aussi de son apparence physique, de son charisme, de sa capacité de persuasion...
Son discours peut aussi influencer le téléspectateur. Par exemple, le 30 janvier 2014, le présentateur du journal télévisé précise que "dans d'autres pays ont tient en compte de..", ce qui sous entend que la France n'en tient pas compte. Ce sujet et les autres sujets, en général, sont présentés de manière à révéler soit une image positive soit une image négative. Aussi, l’information peut être incomplète ce qui ne laisse pas la possibilité aux téléspectateurs de se forger un avis personnel. Alors que le rôle du présentateur est d’annoncer le reportage à suivre, il résume le plus souvent la diffusion à venir provoquant ainsi de la redondance.
Le bulletin d'informations se doit dêtre informatif et était vu auparavant comme culturel voir intellectuel. Pourtant, certains détracteurs jugent que ces sujets peuvent mettre en danger la culture. En effet, certains choix peuvent aussi être sureprenants. On constate que le JT invite davantage de personnalités au détriment de spécialistes. Il en ressort alors un esprit de surenchère. Par exemple, le 2 décembre 2012, alors que l'UMP connaît une crise politique, TF1 choisit d'inviter Mylène Farmer à son journal au détriment de François Fillon ou Jean-François Coppé. Au lieu d'avoir des informations sur une actualité politique importante, la chaîne préfère évoquer l'actualité musicale.